Le meilleur moment pour ça ! - abandon

Le meilleur moment pour ça !(28)


La journée avait été forte en émotion. D'abord, l'euphorie d'enfin recevoir nos noms de guerriers, et surtout un grand soulagement pour ma part -et sans doute pour Dent de Sabre aussi-. Nos amis scandant nos noms, la mine dégoûtée de certains... Oh oui, ce sale Feuille de Houx que je n'avais plus vu depuis mon baptême, trop occupé à râler quelque part j'imaginais. Moins je le voyais, mieux je me portais. La soirée fut agréable, passée avec nos amis Souffle de l'Ouragan et Nuage de Mimosa, j'étais peinée qu'elle n'ait pas eu son nom d'ailleurs. Mais là n'était pas le plus triste ou le plus inquiétant. Etoile Maudite était devenu Maudit, reniant la protection des Etoiles -bon, ça c'était moins mes affaires- mais surtout, il avait l'air beaucoup plus dur. Celui que j'avais toujours remercié de nous avoir gardé me faisait dorénavant peur, et il avait pris mon frère à part pour une information sur laquelle il se taisait. "Rien d'important" me disait - il, "il veut juste que Feulement et moi aillions garder les frontières du Vent après cette grosse bataille. " Cela semblait logique, quoiqu'il devait y avoir quelque chose qui clochait. Mais bon, avec mon jumeau, nous nous étions dit " pas de secret " alors je devais lui faire confiance.

Quand la nuit tomba, Dent de Sabre, Souffle de l'Ouragan et moi devions garder le camp la nuit, éveillés jusqu'au lever du soleil, dans le silence. Ça ne devait pas être si terrible. Je m'installai au milieu des deux mâles, contente de leur présence, et commença à veiller. Tous les chats dormaient. Les habituels gardiens nocturnes étaient contents de pouvoir faire une journée normale et aller dormir avec leurs compagnons. Plus un bruit dans le camp, à part parfois un chaton qui pleurait d'un cauchemar. Cela ne m'aurait fait ni chaud ni froid avant, mais là, je devais avouer qu'une fibre maternelle grandissait en moi. Le lendemain, je m'installerai dans la pouponnière, à l'opposé des trois petites pestes, devant les yeux ébahis de tout le monde. Ils ne pouvaient rien me dire, j'étais guerrière désormais. Des guerrières avec des chatons, c'était normal. Mes chatons.. j'avais hâte de les rencontrer dorénavant ! Ma propre fa-..

... mille...

Ouah, je fis une grimace, je ne pus m'en empêcher. Mais là, je venais d'avoir une grande douleur au ventre. Tout allait bien ? Ou l'énième entraînement de combat que j'avais eu avait finalement des conséquences sur ma grossesse ? Une seconde crampe, horrible. Là, je ne sus pas me tenir droite. Oh par mes moustaches, que se passait - il ? Je.. non... je me sentais comme ouverte en deux. J'accouchais ? Là, en ce moment précis ? Si j'avais pu rigoler, je l'aurais fait. Les bébés m'avaient écoutée au mot près : "Attendez mon baptême de guerrière ", et les voilà ! Je me retrouvais affalée au sol, impuissante et subissant les crampes. Je ne pus que lever mes yeux vers mon cher frère.

" Un.. bâton... J'acc.. couche... "

Et fais vite s'il - te - plait.

Maintenant qu'il avait été baptisé guerrier, Souffle de l'Ouragan ne pouvait plus fuir l'accomplissement de la veillée nocturne traditionnelle qui était, pour chaque nouveau guerrier, le rituel signant le passage de l'enfance à l'âge adulte, l'arrivée des responsabilités et de nouveaux problèmes. Au garde-à-vous entre ses deux compères, Bouquet de Muguet et Dent de Sabre qu'il affectionnait particulièrement et avec qui il ne s'était pas privé de célébrer leurs nouveaux noms dès qu'ils en avaient eu le moment, le guerrier sombre avait désormais la tête perdue dans les nuages, contemplant de temps à autre la toison argentée s'illuminant au-dessus de sa tête. Rêveur, il songeait, ne se réveillant que toutes les dix minutes sans faire un bruit, sans esquisser un geste qui aurait pu trahir son instant de perdition dans la rêverie. Il n'y avait pas plus appliqué que le fils de Fierté du Renard pour accomplir les traditions de son Clan, mais comment pouvait-il faire autrement lorsque l'amour prenait toute la place dans son champ de vision ? Quelques heures auparavant, alors que le baptême venait de se finir, il avait proposé à Nuage de Mimosa de l'accompagner pour une partie de chasse le lendemain – et la jolie femelle, semblant ravie de cette proposition, avait accepté, éveillant un doux sentiment chatouilleux dans le ventre de celui qui venait de se prendre un « oui ». Dans la logique des choses, il aurait dû rester de marbre face à cela, après tout, ils étaient amis depuis leur enfance... mais...

Mais... Souffle de l'Ouragan était idiot. Au fil du temps, tous les signes d'affection que lui prodiguait l'apprentie avaient fini par avoir une sonorité confuse dans l'esprit du mâle sombre, et plus ils étaient nombreux, plus il se laissait avoir par la diffusion de l'espoir, l'espoir que peut-être... que peut-être, la princesse du soleil puisse, pourquoi pas, l'aim...

Un mouvement soudain l'interrompit dans ses songes. Il provenait de son côté gauche, là où se trouvait Bouquet de Muguet. Le soldat tigré se tourna vers elle, intrigué ; que se passait-il ? La jeune chatte noire et blanche se tenait très étrangement. Elle semblait souffrir de maux de ventre. D'abord surpris, Souffle de l'Ouragan se détendit et s'en fit une raison : ce n'était rien, Bouquet de Muguet devait simplement être... malade ? Ou quelque chose s'y rapportant et de temporaire. Elle n'allait pas mourir. Ou bien, était-ce une blague de sa part pour animer un peu la garde nocturne ? C'était bien son type. Trop raisonnable pour se douter de quoi que ce soit, il ne la crut même pas lorsqu'elle déclara :

« Un.. bâton... J'acc.. couche... »

Elle était complètement affalée au sol, son regard vert suppliant Dent de Sabre. Souffle de l'Ouragan le considéra un instant, puis vint se placer près de son amie, de sorte qu'il puisse distinguer au mieux les expressions de son visage.

« Bouquet de Muguet ? Qu'est-ce que tu as ? Eh... Ce n'est pas le moment pour faire des blagues, tu sais. On est censé surveiller le camp ! » lui rappela-t-il avant d'émettre un léger rire. « Mais je te l'accorde, plus le temps passe, plus je trouve que tu t'améliores en comédie. Tu es vraiment douée ! »

Le meilleur moment pour ça !

Perdu dans ses pensées, dans cet entrevu avec Maudit qui impliquait qu'il devrait surveiller chacun de ses camarades, ses amis même ! Le tout pour le compte de Maudit. Un honneur tinter de glace et de feu, de sang et de craintes. Lesquels s'éveillaient doucement en lui. Muguet. Sa propre sœur pouvait faire partis de ses chats qui déplairaient au meneur. Il comprenait seulement comme ce qui, sur le coup lui avait sembler important, pouvait se montrer dangereux. Un chuchoteurs. Un espion même parmi les siens. Cette confiance du chef était comme une griffe sur sa gorge, tantôt prête à le défendre et tantôt, à le déchirer. Aucun risque donc qu'il ne s'endorme pendant sa veiller ! Pas avec toute ses pensées en tête ! Il jeta un regard à sa sœur justement qui s'agitait, comme pour lui rappeler la solennité de cette nuit mais il se raidis en découvrant sur les traits de Muguet ce qui lui semblait être de la douleur. Et quand elle ouvrit la gueule, le guerrier gonfla son pelage. Comme si s'était le bon moment ! Mais il ne pouvait lui en vouloir, d'un coup de museau affectueux, il s'apprêtait à filer quand Souffle de l'Ouragan ouvrit la gueule.

- Elle ne simule pas.

Jamais il n'avait été aussi froid, aussi sec, aussi apeuré peut-être même, sauf à part peut-être chaton, quand Manchot avait voulu les tuer. Désemparer. s'était le mot. Sans laisser temps a Ouragan de réagir, il fila hors du camp, y cherchant un bâton pas trop long, solide, grondant un instant tout seul aux milieux des arbres jusqu'à trouver enfin ce qu'il cherchait, le testant un bon coup avant de faire demi-tour, faisant sans nul doute un boucan infernale en retraversant la barrière, s'arrêtant en dérapant devant Bouquet de Muguet, lâchant le bâton sans même y penser devant elle.

- Soucieux ... Non, il va râler. Sel alors ... Mauvaise idée ...

Leur mère d'adoption, non, elle devait se reposer avec ses propres petits. Perdu, il 'allongea face à sa jumelle, lançant un regard a Ouragan.

- Il faut l'aider ...

Dents de Sabre perdait son sang-froid, clairement...

Le meilleur moment pour ça !(28)


Souffle de l'Ouragan se pencha au dessus de moi. Avec lui et mon jumeau, je déstressai un peu, me sacahnt bien entourée. Enfin, ce fut le cas jusqu'à ce qu'il me dise d'arrêter ma comédie. Si j'avais eu assez d'énergie non prise par les contractions, je lui aurais fait de gros yeux. Mais là, j'allais m'en tenir au regard perdu, paniqué et souffrant. Heureusement que j'avais mis mon cher frère dans le secret. Il savait que je ne blaguais pas et se plia tout de suite à ma demande. Un bâton pour au moins ne pas hurler dans tout le camp. Je ne réagis même pas à mon ami qui devait être surpris de ce qu'il se passait en ce moment, trop concentrée sur la fourrure brune de Dent de Sabre, priant je ne savais qui qu'il revienne vite. Et c'était ce qu'il se passa. Je le vis -enfin d'abord entendit- arriver avec un bâton à ma convenance et je le remerciai du regard, n'osant pas ouvrir la bouche de peur qu'un cri n'en sorte. Je ne voulais pas rameuter les mauvaises gens alors que j'accouchais au milieu du camp, la nuit de mon baptême de guerrière.

Le guerrier brun se stoppa devant moi, les mêmes milles questions tourbillonnants dan la tête, mais une principale : que faire ? Il nomma des noms qu'il trouvait... rassurants ? Je niai faiblement chacune de ses propositions. Comme il le disait, mauvaise idée. Il n'avait pas parlé de nuage de Corbeau, mais si on le réveillait, Esprit Soucieux viendrait avec et hors de question, je préférerais encore accoucher seule. Je serrai le bâton entre mes crocs dès qu'une vague de douleur venait, puis le relâchait soudainement quand j'eus la solution.

" M-Mimosa ! Aller chercher Nuage de Mimosa ! E-elle saura m'aider ! "

L'aile droite du Corbeau, et surtout ma grande amie des plantes, c'était d'elle dont j'avais besoin, dont nous avions besoin, quand je revoyais la tête de mon jumeau.

C'était une nuit calme que celle-là, une de ces nuits où, généralement, le clan tout entier trouvait le sommeil rapidement, dans la brise doucement fleurie du printemps, qui sentait l'eau, les plantes, le renouveau - d'autant que, les nuits de baptême, les gardiens ordinaires du camp se voyaient relever de leurs fonctions pour la traditionnelle veillée des nouveaux guerriers. Et cette nuit-là en était une, pas n'importe laquelle pour une petite fleur d'or: l'apprentie brune aux prunelles de soleil avait vu être nommés ses camarades de pouponnière et de tanière des apprentis, ses amis, ses... Bouquet de Muguet, Dent de Sabre... Souffle de l'Ouragan. Tels étaient les noms qu'ils porteraient, dorénavant, ces noms que Nuage du Mimosa, qui avait choisi de retarder son propre baptême, le cœur trop lourd pour changer de nid sans sa sœur, Nuage de Violette, blessée peu avant, avait acclamés sans aucune arrière-pensée. Elle les aimait tant ! En réalité, en cette nuit douce, elle aurait préféré parler jusqu'à ce que l'aube colore le ciel de rose, d'abricot et d'or, avec Bouquet de Muguet, de leurs futures escapades, de leurs découvertes, de leurs plantes; elle aurait voulu féliciter encore et encore Dent de Sabre, en tentant d'occulter l'entretien privé que le jeune chat avait eu avec Maudit, leur chef et son père à elle - à la santé mentale vacillante, pensait-elle dans le recoin le plus secret de son âme; elle aurait voulu se presser contre la fourrure de Souffle de l'Ouragan, comme avant, et laisser son cœur lui dire que, peut-être, l'amitié pouvait trouver de nouvelles floraisons, qu'ils appelleraient am-... Mais, malgré toutes les rêveries éveillées, ses trois amis devaient veiller, en silence - et elle devait dormir, sans pour autant y parvenir.

Comment ferme-t-on les yeux, alors que ce jour a vu une apprentie, de notre âge ou un peu plus jeune, se faire crever les siens, et qu'elle, justement, ne verra plus jamais ? Comment trouve-t-on la paix, avec ses pensées, avec soi, alors qu'on vient de laisser un autre Clan aux affres de la guerre ? Comment parvient-on à rêver, quand le monde n'est plus qu'un cauchemar éveillé, et comment se laisse-t-on emporter par le sommeil quand on ignore, justement, si notre compagne d'âme, de cœur et de sang, notre grande sœur, pourra se réveiller ? Toutes ces questions tournaient encore et encore dans la tête de la brunette installée dans son nid, tentant de se laisser bercer par les respirations des autres sans y parvenir le moins du monde: tous blottis dans les bras de Morphée sans qu'elle parvienne à les suivre dans la verdoyante et fleurie contrée étoilée, ils s'évadaient de leurs actes, faits "pour le clan" et "pour venger Nuage de Violette" - et les siens la hantaient, parce que Vivi, justement, n'était pour une jeune venteuse qu'amitié, complicité, paix, tolérance, joie et amour; parce que tout cela sonnait faux; parce que leur père, ayant renoncé à son nom de chef et au soutien des Étoiles, l'inquiétait; parce que leur mère, leur Papillon de Lune, n'était plus; parce que, dans ses grands yeux d'ambre scintillant, grands ouverts, dans la pénombre de la tanière, se reflétait un objet, avec lequel elle jouait. Un cadeau. Une promesse. Une perle de bonheur passée, comme des topazes aux mille reflets, à l'image des yeux d'or de son ami, rencontré deux saisons auparavant, sous la tente rouge et or où ils avaient ri, s'étaient confiés, et s'étaient envolés pour tutoyer toutes les constellations du monde... Elle avait l'impression d'avoir brisé leur serment tacite, de l'avoir trahi lui - avait du le combattre. Et, peut-être par peur de le revoir face à elle, de se remémorer Nuage d'Alizé, aveuglée par Feulement, et la colère infinie de détresse de Nuage des Vents - son amie apprentie guérisseuse, la sœur d'Alizé - qui l'avait prise, elle, Mimosa, pour responsable, parce qu'elle s'était approchée d'Alizé; mais juste pour l'aider. Et pour toutes ces raisons, la jolie apprentie ne pouvait pas dormir.

Les larmes s'étaient taries depuis un moment, quand elle entendit des mouvements et des voix, dans le camp assoupi à l'exception de ceux... Qui devaient veiller ? Miaulements étouffés, bruits de pattes contre le sol, conciliabule discret mais pressé... Que se passait-il donc, avec Souffle de l'Ouragan, Dent de Sabre et Bouquet de Muguet ? Tout en tendant l'oreille, elle dissimula sa petite pierre dans la mousse de son nid, retint son souffle pour mieux entendre; elle n'eut pas même à le faire - une patte à la fourrure rousse-brune vint la secouer, sans trop de douceur, et chuchoter quelques mots qui firent taire en elle toute velléité de se plaindre de ce traitement. Le comportement de Nuage Embrasé, le novice de Feulement, était peut-être un peu brute - comme son mentor du reste, songea-t-elle - mais cette fois, dans l'empressement du moment, il était parfaitement justifié. Elle n'avait pas le temps de lui miauler, avec un amusement quelque peu agacé, qu'elle ne dormait pas; pas le temps de lui reprocher son manque de délicatesse à son égard, puisqu'il ne dosait pas sa force - ce dont le jeune chat ne se rendait peut-être même pas compte; la féline à la fourrure tigrée bondit simplement sur ses pattes, ombre agile et vive, aussi discrète que le vent, pour se glisser à la suite de Nuage Embrasé, quoique avec plus de légèreté, dans le camp.

« Nuage de Mimosa, Bouquet de Muguet a besoin de toi. Tout de suite. »

Son amie n'aurait pas demandé d'aide pour rien, jamais, elle était assez grande, assez forte, pour affronter nombre de choses - Mimosa le savait, et la respectait pour ça. Alors si le benjamin de la troupe de bras cassés qui formait un petit cercle autour de la fleur de mai avait pris la peine de venir la chercher, en précisant que la femelle noire et blanche avait besoin d'elle, alors c'était important, vraiment. En quoi pouvait-elle donc aider la guerrière, chargée de veiller sur le camp, à cette heure ? Nuage du Mimosa s'avança, rapidement, jusqu'à elle, jusqu'à ce que les silhouettes des autres ne masquent plus sa vue - et son cœur loupa un battement, parce qu'elle s'était trompée; Bouquet de Muguet ne lui demandait pas d'aide en tant que guerrière... C'était une reine que l'aide guérisseuse interloquée avait sous les yeux. Le bâton dans sa gueule, l'éclat de peur perceptible dans ses yeux, les contractions qui secouaient son corps... La grande apprentie comprit tout d'un coup d'œil - et comprit, dans ces quelques fractions de seconde, l'empressement de Nuage Embrasé, l'étonnement de Souffle de l'Ouragan (toujours bon à savoir, elle n'avait pas été la seule hors de la confidence) et l'attitude de Dent de Sabre, qui, posté près de sa jumelle, semblait au bord de la syncope. Ce qu'il avait tout à fait le droit de faire, bien que ce soit parfaitement inutile - elle n'avait pas ce choix. Parce qu'ils ne pouvaient pas alerter Esprit Soucieux et Nuage de Corbeau, si son amie l'avait choisie elle. Alors, fermant les yeux le temps d'un battement de cils, elle se concentra, chassant toutes les interrogations qu'elle pouvait avoir autrement, sur les Clans, la paix, sa famille et elle-même: seule comptait Bouquet de Muguet. Quand elle les rouvrit, un éclat plus sûr scintillait dans ses yeux.

Donc. Un accouchement. Ok.
Le bâton pour quand elle a mal, bon réflexe.
On a un entourage, ça sera pratique tout à l'heure.
Des plantes ? Cerfeuil ou baie de genièvre;
Introuvables sur nos terres, hors d'accès dans l'antre du guérisseur.
Il va falloir faire au mieux de cette façon... Et espérer que tout se passe bien.

Saluant son amie d'un ronron rapide, simplement pour lui faire comprendre qu'elle était à ses côtés, et peut-être un peu en guise de demande d'autorisation, aussi, Nuage du Mimosa vint ensuite poser, délicate, presque tendre, une de ses pattes contre son ventre pour sentir les contractions et, cherchant les jolis yeux verts de sa camarade de folies et de plantes, qui n'avaient jamais trahi des émotions pareilles avant ce soir, songea-t-elle, souffla avec douceur, pour ne pas ajouter à l'effervescence vibrante dans les mâles derrière elles:

« Ok, Bouquet de Muguet. Je suis là. Respire, surtout, de ton mieux.
Il faut que tu te détendes, le plus possible, d'accord ? » Un sourire.
« Oui, tu as sans doute envie de me frapper et tu pourras le faire après.
Mais pour l'instant, essaie de rester calme. Ça va aller.
Et quand tu sens une contraction, pousse pour aider les petits à sortir. »
Un ronron d'encouragement. « Allez, tu sais bien que rien ne te résiste. »

Elle resterait là, à surveiller, autant qu'il le faudrait, à aider autant que possible celle qui lui semblait une sœur d'âme. Que disparaissent les Clans, les autres, la lune et les étoiles - les deux filles des plantes étaient amies. Et quel chemin, depuis leurs propres lunes à la pouponnière ! Nuage du Mimosa sourit, en voyant sa camarade si appliquée, et tandis que, dans le silence de la nuit, le premier des chatons naissait. Elles avaient grandi, trouvé leur voie, peut-être, Bouquet de Muguet avait même des enfants... Au milieu de la nuit, la lumière - au milieu du chaos, l'harmonie. La paix au cœur de la tourmente. Dans ce rôle qu'elle n'aurait jamais pensé jouer un jour, la jolie aide guérisseuse se sentit plus à sa place que jamais auparavant - et ce simple constat lui redonna espoir. D'espoir, et d'affection, aussi, secrètement, tandis qu'elle s'occupait de donner les premiers coups de langue à la petite femelle calico diluée qui venait d'apparaître au monde, veillant sur elle comme sur le plus précieux des trésors. Puis, elle se retourna vers Dent de Sabre, et, posant l'enfant lâchant des petits miaulements de protestation à ses pattes, près de Bouquet de Muguet pour que la jeune mère puisse voir sa fille, miaula à l'oncle:

« La terre appelle Dent de Sabre, il va falloir la lécher
pour activer sa respiration et la réchauffer.
Tu peux faire ça pour moi ? Les prochains arrivent. »

Et, sur un petit coup de museau encourageant au mâle,
Un coup de langue à la petite, et un regard doux à Muguet,
Nuage du Mimosa se prépara pour la suite de la naissance.

« Elle est magnifique, Mug, et toi tu es parfaite.
Allez, courage... Ça se passe très bien. »

Le meilleur moment pour ça !

Le guerrier ne savait que faire, qui quérir pour aider sa jumelle. Une mise bas, il en avait déjà vu. Celle d'Esprit Lent mais alors, sa mère avait eu à ses côtés Esprit Soucieux qui lui savait faire. Et clairement, vu l'amour de Muguet pour Soucieux et l'inverse, il refusait d'en appeler au guérisseur tant que tout se passait bien. mais tout se passait il seulement bien ? Le nom de Mimosa s'échappa de la gueule de Muguet et Sabre se redressa rapidement, tellement qu'il en eu un instant le tournis, voyant néanmoins Nuage Embrasé s'éloigner dans l'antre des novices. Allait il réveiller l'apprentie ? Il l'espéra tant et si bien qu'il se figea, posant sur sa sœur un regard qui se voulait rassurant mais dans lequel brillait néanmoins une pointe de peur féroce. Donner la vie, s'était parfois la perdre et si ...

Il entendis bel et bien la jeune chatte et un instant, son regard errant se posa sur elle, la remerciant. Elle prenait les choses en pattes, il l'entendait et lui, perdu dans ses craintes, étaient en train de se concentrer sur sa respiration pour chasser les pensées parasites de sa tête. Bouquet de Muguet allait elle mourir là en leur donnant vie, comme leur mère était peut-être morte ? Il en savait si peu sur leur génitrice et sur les condition de leur naissance ! La spirale qu'il s'inventait était elle bien réelle ? Son nouveau nom le ramena à la réalité et il posa ses prunelles sur un minuscule chaton avant de souffler doucement, conscient que sa mission était à présent d'importance.

- Compte sur moi.

L'imposant mâle brun s'allongea alors et cala sa tête de façon à ce que ses crocs cerne le nouveau né sans prendre le risque de le toucher puis, à grands coup de langue vigoureux, il chassa bientôt l'humidité de la naissance pour la remplacer par celle, chaude, de sa salive nettoyant cette petite frimousse. Il n'avait plus d'yeux que pour le chaton entre ses pattes. Bientôt, le petit pelage fut propre et presque sec, enfin, le guerrier s'autorisa un regard sur la nouvelle reine, et un sourire en entendant le bébé entre ses pattes qui couinait.

- Elle est déjà aussi chiante que toi ...

Un petit rire car oui, la chatonne s'agitait, cherchant déjà au milieu de la fourrure une mamelle et doucement, prêt à attirer la petite à lui au moindre spasme de sa sœur, il poussa le museau de la fille contre le ventre de la mère. Oncle attentif qui grâce à l’assurance de Mimosa, était parvenu à reprendre son sang-froid.

Le meilleur moment pour ça !(28)


Une silhouette rousse se rajouta à mon public, et fut heureusement plus réactive que mon jumeau, plus assommé par le stress que je l'étais par la douleur. Nuage Embrasé était le seul autre chat au courant de ma grossesse. Sans la nature trop inquiète de mon frère, il pu garder le sang froid nécessaire pour chercher celle que j'avais demandée. Et fidèle à elle même, entre les formes parfois déformées par la panique et la souffrance, je remarquai malgré tout la fine silhouette de mon amie, à qui je séchais les larmes cet après midi. Les rôles s'inversaient, elle devint cette fois - ci mon support. Une autre femelle pour me soutenir devant ce travail qu'était de donner la vie. On n'avait pas beaucoup d'outils, sauf le bâton, mais si j'avais le savoir d'Envol des Fées, elle avait celui de Nuage de Corbeau. Une presque apprentie guérisseuse. C'était la meilleure de toute notre petite bande paniquée.

Ses mots coulaient dans mes oreilles et semblaient se déverser dans tout mon corps pour le calmer. Dorénavant qu'elle supervisait l'organisation, je pouvais laisser mon esprit se reposer et juste répondre aux ordres simples et instinctifs de mon corps. Quand mes muscles se contractaient, j'obéissais et je poussais. Plus mon métabolisme et moi serons coordonnés, plus vite le travail sera effectué. Les pattes de Mimosa me guidaient, et la vie suivit son cours. Mon aîné vit le jour. Enfin, aînée apparemment, vu que j'ai pu entendre des bribes de paroles de mon jumeau, qu'elle était déjà aussi chiante que moi. Je rigolai faiblement mais fus vite reprise au travail. Je n'avais clairement pas qu'un petit dans mon ventre, une si petite chose ne pouvait pas prendre toute cette place. Je sentis clairement un second chaton pousser le bout de son museau, et le voilà arrivé dans ce monde, avec sa soeur.

Tandis qu'il se faisait réceptionner par mes amis, je tordis un peu ma tête pour voir les deux vies que je venais de donner. La première, avait de légères nuances de noir et de beige, qui se mélangeaient. Alors que la nouvelle venues avec aussi des tâches noires et brunes, mais plus délimitées. Deux petites filles. Je repense au moment inopportun qu'elles avaient choisies pour nous rejoindre. Je pouffai en miaulant à mon frère :

" E-elles ont fait comme nous frérot, nées une nuit suivant une guerre. Aha... à croire que la forêt veut garder le même nombre de vies.. "

Mais encore une fois, pas le temps de plus rire. La suite arrivait. Encore des petits ? Je me laissai faire et finis mon rôle jusqu'au bout.